by eric/ février 25. 2016/ 0 Comments/ Critique livre par livre
Charmettes tome 1

Le secret de tante Eudoxie

Jeanne, Mina, Victoire et Iris sont quatre jeunes filles très particulières. Neuf signes les distinguent des adolescentes de leur âge. Certains d’entre eux sont très contraignants : être floues sur les photos, faire sonner les portiques de détection dans les grands magasins, parasiter les téléphones portables… Ce sont des sorcières dont les pouvoirs influent sur les quatre éléments naturels que sont le feu, l’air, la terre et l’eau ! Sous la houlette de tante Eudoxie, elles vont devoir réaliser leur première figure… Événement d’importance dans la vie d’une sorcière…

Critiques

♣♣♣

par Pedro Pan-Rabbit (Book, tea time and sweet apple pie)

http://books-tea-pie.blogspot.fr/2013/09/le-secret-de-tante-eudoxie-la-trilogie.html

« Voilà une lecture dont l’envie remonte à bien longtemps! Pour la petite histoire, alors que je devais avoir 13 ou 14 ans et que je furetais dans ma librairie favorite (charmante boutique au charme d’antan inégalable, malheureusement aujourd’hui fermée), j’étais par hasard tombé sur cette trilogie écrite par l’auteur français Eric Boisset. Son nom vous dit certainement quelque chose: connu pour sa saga des Grimoires d’Arkandias, il est relativement célèbre dans le monde de la littérature jeunesse francophone. Bien que moins populaire, cette trilogie des Charmettes n’en était pas moins alléchante et ce malgré les illustrations d’époque assez enfantines. Le résumé me faisait très envie mais je n’avais jamais eu l’occasion d’acquérir l’ouvrage en question. La chose fut réparée lorsque les trois tomes furent glanés au gré de quelques vide-greniers de-ci de-là… mais pour rejoindre aussitôt ma PAL déjà bien branlante!

Mais mon histoire avec Les Charmettes n’était pas terminée pour autant car cet été, je suis tombé au détour d’une grande surface sur une toute nouvelle réédition avec couverture inédite (et fort belle) à la clef! Ma curiosité titillée comme à mes 13 ans, mon intérêt pour cette trilogie fut alors réveillé et j’allai de suite la faire émerger de ma PAL pour m’y plonger avec un plaisir tout aussi jubilatoire que régressif ; On ne peut plus approprié en cette période de rentrée parfumée à la craie et au tableau noir!

Avec ce premier tome de la trilogie, nous faisons connaissance avec trois jeunes préadolescentes de 11 ans, amies de collège de longue date bien que toutes très différentes les unes des autres. Jeanne (menue, aux bouclettes courtes et blondes), Victoire (grande beauté froide à la longue chevelure dorée), et Mina (aux cheveux noirs courts et toujours coiffés en pétard) sont, qui plus est, bien différentes du commun des jeunes filles de leur âge : elles sont sorcières! Sous la houlette d’Eudoxie, la tante de Jeanne qui les convie à des rendez-vous réguliers dans sa somptueuse villa des Charmettes, elles apprennent à manier leurs puissants pouvoirs. Lorsque le roman débutent, les trois collégiennes viennent de rencontrer Iris, une jeune fille qui présente les mêmes dons et qui rejoint leur petite équipe. Les petites sorcières sont désormais au nombre de 4, chacune liée à l’un des éléments fondamentaux que sont l’eau, le feu, l’air et la terre, qui définissent leurs forces particulières mais aussi leur tempérament. Cette complémentarité leur permet de réunir leurs pouvoirs pour former, à terme, trois figures magiques qui seront à l’origine d’une énergie fantastique inégalée! Mais cette force est convoitée par Mlle d’Abbeville, une sinistre sorcière déchue qui, ayant perdu une partie de ses pouvoirs, a créer une technologie de pointe pour capturer les adolescente et s’emparer de leur magie…

Mon avis sur ce livre? Le secret de tante Eudoxie m’a laissé une impression on ne peut plus positive, confirmant ce que j’avais entendu dire du talent d’auteur d’Eric Boisset ; loin du roman simpliste auquel on pourrait s’attendre (notamment si l’on se fie au très jolies mais un petit peu enfantines illustrations d’origine), nous avons là un récit d’une grande originalité, doublé une maturité certaine et servi par une excellente plume. Contrairement à ce que l’on s’imaginerait avec une histoire de sorcière, pas de grimoires, de vieux château, de potions et de fioles ou encore de formules en latin façon Harry Potter ; ici, Eric Boisset emprunte un chemin différent et pare sa vision de la magie d’une dimension plus contemporaine, mais sans pour autant renier ses origines puisqu’elle trouve sa source dans les éléments fondamentaux de la nature et dans la connexion qu’on établit avec ceux-ci.

Les personnages sont l’un des points forts du roman. Eric Boisset dépeint des héroïnes qui, dans un autre genre, m’ont rappelé la Fantômette de George Chaulet. Car on est à mille lieues de simples gamines de 11 ans « toutes mignonnes et toutes gentilles » qui s’amuseraient avec des baguettes magiques. Non, point du tout: Issues de milieux sociaux opposés et de situations méticuleusement pensées, chacune des 4 sorcières a sa personnalité bien à elle, un tempérament vif et énergique doublé d’une étrange maturité. En effet, elles apparaissent en décalage de leur génération, faisant parfois preuve d’une hauteur et d’une ironie cinglante (mais toujours drôle et fantaisiste, heureusement : on est quand même dans le la littérature jeunesse!) sur leur environnement, comme si elles avaient déjà sorti un pied de l’innocence propre à leur âge. Ce ton apporte du vif et du piquant dans les échanges et l’enchaînement des scènes tout en rendant les protagonistes très attachants.
Il en est de même pour les personnages secondaires, adjuvants et opposants: tante Eudoxie pétille de malice et d’énergie et les animaux doués de parole débordent de facétie. Si l’on entrevoit tout juste Mademoiselle d’Abbeville dans ce premier opus, on en apprend assez pour reconnaître une méchante atypique: cette sorcière déchue, grande dame en fourrure et au fume-cigarette accompagnée d’hommes de main plutôt louches, évoque une sorte de Cruella d’Enfer armée d’un outillage technologiquo-magiquo-futuriste détonnant! Pas de toute, voilà une figure charismatique et novatrice!

Un dernier petit mot sur l’ambiance : Eric Boisset sait véritablement instaurer une atmosphère particulière à chaque scène, ponctuant chaque passage de petits détails et précisions qui concourent à nous plonger avec délice dans l’univers des Charmettes. J’ai particulièrement aimé les nombreuses descriptions des plats dont se régalent les personnages et le parfum réconfortant des rendez-vous à la villa. Ces retrouvailles autour de pâtisseries et de chocolat chaud fumant au coin du feu, alors que la neige tombe au dehors, provoquent chez le lecteur un délicieux sentiment de sécurité et de cocooning.
L’ensemble – cadre contemporain, écrin citadin, magie fondamentale, éléments futuriste et jeunes héroïnes en apprentissage – a réveillé en moi de lointains souvenirs télévisuels, et particulièrement de la série animée Les petites sorcières, diffusée dans les émissions jeunesse alors que j’étais enfant. On y retrouvait une atmosphère très proche, bien que le programme soit destiné à un public plus jeune!

En résumé: Un premier tome très plaisant à lire, au ton vif et enlevé, doublé de personnages attachants et d’une approche originale et moderne de la magie. Une lecture des plus agréable qui n’a pas pris une ride en dix ans, et qui avait bien droit à cette réédition. La nouvelle couverture de Raphaël Gauthey exprime à merveille l’esprit de l’intrigue et la maturité des héroïnes, et l’ensemble correspond mieux que jamais à ce qui fascine les jeunes lecteurs d’aujourd’hui! A (re)découvrir d’urgence! =D »

Que dire sinon merci, Pedro ? Je ne regrette pas d’avoir attendu aussi longtemps une pareille critique !

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